Jean Génermont

« Maxime Lamotte et la génétique des populations »

Maxime Lamotte fut un des premiers au monde à étudier la génétique de populations naturelles. Ses recherches sur les populations des escargots du genre Cepaea l’ont conduit à évaluer les rôles respectifs des phénomènes fortuits et de la sélection naturelle. L’importance qu’il accorda aux premiers, sur la base de ses observations et de ses analyses statistiques, provoqua la « grande controverse sur les escargots », les chercheurs anglais A J. CAIN et P. M. SHEPPARD privilégiant le rôle de la sélection naturelle. Maxime Lamotte, du fait de sa culture écologique, développa le concept d’effet de fondation, qu’il transposa à l’échelle de l’organisation des écosystèmes.
J’ai connu Maxime Lamotte fin 1956 au laboratoire de zoologie de l’École normale supérieure dont il devait un peu plus tard prendre officiellement la direction. Il y est arrivé précédé d’une réputation de généticien spécialiste des populations d’escargots du genre Cepaea, d’auteur d’un ouvrage de biologie quantitative et de découvreur d’un crapaud africain vivipare. Comme je souhaitais faire mon diplôme d’études supérieures en génétique des populations, discipline qui m’attirait en particulier parce que je savais (et je n’en savais pas beaucoup plus) qu’elle faisait largement appel aux mathématiques, il était tout naturel que j’entre rapidement en relation avec lui. C’est ainsi qu’il m’a décidé à entreprendre un travail sur la résistance des paramécies à des milieux toxiques, ce qui ne relevait pas de la génétique des populations au sens strict, mais plutôt de la génétique quantitative (dont alors je ne connaissais même pas l’existence). J’ai donc été son premier élève parisien et j’ai pu assister aux profondes transformations qu’il a très vite imprimées au laboratoire de zoologie où trois axes de recherche se sont développés à peu près simultanément, la génétique des populations de Cepaea, la génétique des ciliés et la biologie des amphibiens (dont le Nectophrynoides occidentalis). Bien que je n’y aie guère été impliqué directement, il ne sera question ici que du premier de ces axes. Je n’ai en effet aucune compétence concernant le dernier ; quant au second, Maxime Lamotte ne s’y est pas engagé de façon directe, ce qui ne signifie pas qu’il ne s’y est pas intéressé, bien au contraire, car l’orientation des recherches a largement bénéficié de ses conseils et surtout de son enthousiasme, qu’il savait faire partager, pour tout ce qui pouvait faire progresser la connaissance de l’évolution, tant dans ses modalités que dans ses mécanismes. C’est pourquoi, après avoir succinctement analysé les travaux de Maxime Lamotte et de ses élèves sur les populations de Cepaea, j’évoquerai ses apports dans l’ensemble du vaste domaine de la biologie évolutive.

1. La génétique de Cepaea

Maxime Lamotte s’était très jeune passionné pour la zoologie de terrain, ce qui
s’était concrétisé par la moisson de matériel réalisée lors de sa première expédition en Afrique, avec en particulier la découverte du fameux Nectophrynoides. Cette découverte lui offrait un sujet de thèse
« sur un plateau ». Il souhaitait cependant aborder la génétique, qui était alors pour l’essentiel une discipline de laboratoire, à l’exception de la génétique des populations, encore dominée par la démarche théorique imprimée par ses trois fondateurs, Ronald FISHER, John HALDANE et Sewall WRIGHT. Il a réussi à concilier ce souhait et son amour du terrain en choisissant de travailler sur la variabilité phénotypique des escargots du genre Cepaea, plus particulièrement C. nemoralis. Il a été ainsi un des premiers au monde à effectuer des travaux de génétique des populations sur le terrain, mettant à profit une conjoncture favorable, car l’espèce étudiée, commune et répartie sur une très large part du territoire français, présentait une variabilité, portant pour l’essentiel sur la couleur et les dessins de la coquille, de description relativement simple et de déterminisme génétique déjà partiellement élucidé. Il prolongeait ainsi la démarche de son directeur de thèse, Georges TEISSIER, qui avait eu le mérite, avec Philippe L’HÉRITIER, de faire sortir la génétique des populations du domaine strictement théorique auquel elle avait été initialement confinée : la variabilité des populations expérimentales se conformant aux prédictions théoriques (L’HÉRITIER & TEISSIER, 1933, 1934, 1937), il était tout naturel d’éprouver aussi la validité de celles-ci dans le cas de populations naturelles.
La démarche de Maxime LAMOTTE a eu cependant d’emblée un objectif plus ambitieux, que révèlent les premières lignes de son mémoire de thèse (LAMOTTE, 1951) :

« L’analyse des mécanismes de l’Évolution par la méthode expérimentale, qui exigerait la reproduction de phénomènes évolutifs dans des conditions contrôlées, se heurte évidemment à des difficultés pratiques insurmontables lorsqu’il s’agit d’organismes non microscopiques. Les variations ne se produisent en effet qu’au cours de milliers de générations, et elles affectent des milliers ou des millions d’individus par génération. Faute de pouvoir réaliser des élevages suffisamment étendus dans le temps et dans l’espace, il reste toutefois au biologiste la possibilité de recourir à l’interprétation des populations naturelles elles-mêmes… »

L’objectif majeur du travail est donc de contribuer à l’élucidation des mécanismes de l’évolution. Ceci doit passer par plusieurs étapes. La première d’entre elles est évidemment la récolte du matériel à étudier. Ces escargots se répartissent sur le terrain en unités démographiques relativement bien délimitées désignées sous le nom de colonies (terme à peu près synonyme de « populations locales » ou « dèmes »). Le travail de thèse porte sur quelque 900 de ces unités, représentées par des échantillons de tailles dépassant le plus souvent la centaine d’individus. L’analyse de ce matériel, jointe aux résultats d’élevages et de croisements a permis d’aborder avec succès des problèmes variés.
Maxime LAMOTTE a ainsi apporté une contribution significative à la connaissance des relations entre les deux formes voisines C. nemoralis et C. hortensis, montrant en particulier que le taux d’hybridation dans les conditions naturelles est très proche de zéro. Il a précisé les données antérieures et obtenu des résultats nouveaux sur le déterminisme génétique des caractères du phénotype, les plus intéressants étant la couleur de fond de la coquille et le nombre et la disposition des bandes sombres. Par marquage et recapture, il a estimé les effectifs d’un certain nombre de colonies, l’ampleur des déplacements réalisés en moyenne par un individu et les taux de migrations d’une colonie à l’autre. Il a constaté que la composition de chaque colonie obéissait en général à la « loi de HARDY » (on dit maintenant loi de HARDY-WEINBERG), donc que les accouplements se faisaient sans choix actif du conjoint. Il a cependant introduit la notion de consanguinité de position, conséquence inéluctable de la différence entre les ordres de grandeur des distances parcourues par les escargots tout au long de leur vie et des dimensions des « grandes » colonies. Mieux, il a démontré l’existence de corrélations entre fréquences alléliques et facteurs climatiques, ce qui suggérait très fortement l’intervention de facteurs sélectifs dans la structuration des peuplements. En revanche, les données recueillies sur une éventuelle sélection phénotypique exercée par des prédateurs (rongeurs ou oiseaux) conduisent à attribuer à une telle sélection un effet mineur par rapport à celle qui résulte des facteurs climatiques. Enfin, il a recherché quel pouvait être le rôle du hasard dans cette même structuration : des arguments solides ont suggéré l’existence de ce qu’on appelle maintenant des effets de fondation (dits aussi « effets fondateurs », mais il s’agit là d’une mauvaise traduction de l’anglais « founder effect »), et l’ajustement de « courbes de Wright » à la distribution d’une fréquence allélique dans un ensemble de populations d’une région climatiquement homogène a permis de présenter comme hypothèse soutenable l’éventualité de la participation de la dérive génétique à la divergence génétique entre populations.
Ce travail qui faisait une large part à l’analyse des facteurs du milieu, se rattachant ainsi à ce qu’on a plus tard appelé la génétique écologique, a donc apporté une des premières démonstrations de l’action de la sélection naturelle sur une variabilité génotypique de déterminisme génétique connu avec précision, donc sur la validité pour les populations naturelles des modèles théoriques sur la sélection ; il a aussi fourni les premiers arguments en faveur de l’idée selon laquelle les phénomènes fortuits peuvent avoir sur la structuration des populations naturelles des effets non négligeables, d’un ordre de grandeur comparable à celui des effets de la sélection. La poursuite de ces travaux, soit par Maxime LAMOTTE lui-même, soit par ses élèves généticiens, a permis d’affiner et d’étendre ces conclusions, par exemple :

  • en apportant la preuve expérimentale de différences de valeurs sélectives entre phénotypes (notamment vis-à-vis de la température ou de l’intensité lumineuse)
  • en étendant le domaine de recherches à l’espèce C. hortensis
  • en prenant en compte conjointement polychromatisme et polymorphisme enzymatique
  • et en mettant en oeuvre des méthodes statistiques raffinées, dont l’accès était devenu possible grâce à la disponibilité de nouveaux moyens de calcul, pour analyser les relations entre structures génotypiques et caractères du milieu (GUERRUCCI, 1974 ; KHEMICI, GÉNERMONT & LAMOTTE, 1988 ; LAMOTTE & COURSOL, 1974 ; LAMOTTE, KASSEM & GÉNERMONT, 1988 ; RATEL, GÉNERMONT & LAMOTTE, 1988 ; VALDEZ, KASSEM & LAMOTTE, 1988 ; etc.).

Tout cela a impliqué le maintien permanent d’un équilibre harmonieux entre récolte de données, analyse quantitative et mise en forme de celles-ci, étude critique des modèles établis par les théoriciens de la génétique des populations (notamment FISHER, WRIGHT et MALÉCOT) et confrontation des données aux prédictions des modèles. Ce faisant, par la prise en compte de tous les facteurs susceptibles d’avoir une influence sur les fréquences alléliques, Maxime LAMOTTE a rapproché sa réflexion du mode de pensée de WRIGHT bien plus que de celui de son rival FISHER qui accordait un rôle majeur à la sélection. Cette prise de position est à l’origine de ce que PROVINE (1986) a appelé « the great snail debate », ce qu’on peut traduire par « la grande controverse sur les escargots », déclenchée par son intervention (LAMOTTE, 1959) à un symposium international, tenu aux États-Unis pour célébrer le centenaire de la parution de L’origine des espèces de Charles Darwin, où la sélection naturelle était bien évidemment à l’honneur. Or, parallèlement à Maxime LAMOTTE, des chercheurs, notamment Arthur CAIN et Philip SHEPPARD, avaient effectué des travaux sur les populations naturelles de C. nemoralis en Angleterre et les avaient orientées dans un sens « fisherien », cherchant systématiquement à mettre en évidence l’intervention de facteurs sélectifs, et considérant que l’existence d’une part de variation non expliquée de cette manière est bien plus vraisemblablement due à l’insuffisance de l’inventaire de tels facteurs qu’à la mise en jeu de phénomènes fortuits (CAIN & SHEPPARD, 1950, 1954 ;  CAIN & CURREY, 1963). Il est vrai qu’ils réduisaient ceux-ci à la dérive génétique, omettant l’éventualité d’effets de fondation et commettant probablement l’erreur, encore trop répandue de nos jours, de confondre ces deux types de phénomènes, très bien distingués par Maxime LAMOTTE. Comme le rappelle une analyse récente (MILLSTEIN, 2008), la controverse avait mobilisé les évolutionnistes les plus célèbres de l’époque, les uns acceptant, les autres refusant ou du moins minimisant le rôle des phénomènes fortuits. Elle est maintenant éteinte, mais les continuateurs de CAIN et SHEPPARD restent imprégnés de l’idée selon laquelle le polychromatisme de la coquille est structuré quasi exclusivement par les facteurs sélectifs (voir par exemple CAMERON & POKRYSZKO, 2008).

La querelle plus récente entre neutralistes et sélectionnistes est d’une certaine manière un prolongement de la grande controverse. Déclenchée par l’introduction de la notion d’horloge moléculaire de l’évolution (ZUCKERKANDL & PAULING, 1965) et de la théorie neutraliste de l’évolution moléculaire (KIMURA, 1968, 1983), elle s’est éteinte progressivement quand les progrès de la biologie moléculaire ont démontré qu’il existait bien à cette échelle une large part de variation neutre ou quasi neutre, ce qui n’excluait nullement l’existence d’une part soumise à la sélection, incluant notamment les gènes impliqués dans le déterminisme des caractères morpho-anatomiques participant de façon évidente à l’adaptation des organismes. À cette époque, Maxime LAMOTTE a pris une position qui a pu passer pour sélectionniste dans la mesure où il n’a cessé de défendre la notion d’adaptation sous l’effet de la sélection naturelle (GÉNERMONT & LAMOTTE, 1986), mais il n’en est pas moins resté attaché à l’idée selon laquelle les phénomènes fortuits ne pouvaient être négligés, même à propos de la part non sélectivement neutre du génome (LAMOTTE & COURSOL, 1974 ; LAMOTTE, 1988).

2. Au delà de la génétique des populations

À partir de 1960 environ, les activités de recherche de Maxime Lamotte se sont orientées principalement vers d’autres domaines que la génétique des populations naturelles. Cependant certaines de ses activités s’inscrivent directement dans le prolongement de ses travaux en génétique des populations. Je pense en particulier à une réflexion sur certains concepts de biologie évolutive, par exemple ceux d’espèce, de spéciation, de diversification d’une lignée, qui ont été enrichis par une meilleure prise en compte de la dimension écologique, sans pour autant négliger la dimension génétique (LAMOTTE & BLANDIN, 1985).
J’insiste davantage sur la préoccupation constante qu’a eue Maxime LAMOTTE de transmettre à d’autres personnes, parmi lesquelles des biologistes, mais aussi un public plus large, des connaissances qui relèvent d’un domaine qui ne leur est pas familier, mais qui n’en sont pas moins susceptibles de les intéresser de quelque manière. Ceci a débouché sur un certain nombre de publications à vocation pédagogique et/ou de vulgarisation. Je ne citerai que les plus significatives, à mon avis, de celles qui ont un rapport, soit au plan méthodologique, soit au plan conceptuel, avec la génétique.
Chronologiquement, la première incursion de Maxime Lamotte dans ce type d’activité me semble avoir été la rédaction d’un ouvrage de biologie quantitative (LAMOTTE, 1948) mettant à la disposition de la communauté des biologistes un ensemble de méthodes du type de celles qu’il avait dû lui-même acquérir pour recueillir et exploiter les données sur lesquelles était fondé son travail de thèse. Il n’y avait pas de précédent en langue française et nombreux sont ceux qui y ont découvert l’existence de moyens aptes à rendre plus rationnelle et plus puissante l’approche de leur propre problématique. Cet ouvrage a eu par la suite un prolongement, un manuel fondamentalement destiné aux étudiants, mais qui devait être utilisé aussi par bien des chercheurs séduits par les qualités pédagogiques de cet exposé d’une discipline qu’ils considéraient a priori comme austère et hermétique (LAMOTTE, 1957) : rééditions et retirages témoignent du succès de ce petit livre.
Autre livre didactique à succès, le manuel de biologie générale écrit en collaboration (LAMOTTE & L’HÉRITIER, 1965, 1966, 1969) est malheureusement resté inachevé, le volume où devait figurer la biologie évolutive n’ayant jamais vu le jour. Il s’adressait en priorité aux élèves des classes préparatoires aux grandes écoles, mais cette cible a été largement dépassée. Son degré de généralité (certes attendu, vu le titre) était absolument sans précédent pour un ouvrage de ce niveau en langue française, et il était non moins remarquable par son approche moderne, particulièrement féconde, des différents thèmes abordés.
Je cite maintenant des ouvrages de biologie évolutive, qui matérialisent parfaitement la préoccupation exprimée par Maxime LAMOTTE dans l’introduction de sa thèse. Le premier (LAMOTTE, 1974), publié en hommage à son maître Georges TEISSIER, réunit, sur le thème du polymorphisme des animaux, des contributions conceptuellement apparentées à son propre travail de thèse : les unes portent sur telle ou telle catégorie taxinomique (espèce ou autre), les autres ont trait à des considérations d’ordre général. Un peu plus tard, parallèlement à une table-ronde tenue dans le cadre du centenaire de la Société zoologique de France, Maxime LAMOTTE a été la cheville ouvrière de la mise au point d’un autre ouvrage collectif consacré au concept d’espèce (BOCQUET, LAMOTTE & GÉNERMONT, 1976, 1977, 1980) : il a su réunir, grâce à l’étendue de ses relations personnelles dans le monde des zoologistes, des auteurs spécialistes de divers groupes ou compétents dans diverses méthodologies et a coordonné leurs contributions en sorte de faire de cet ouvrage un succès, non seulement sur le plan scientifique, mais même sur le plan financier (fait exceptionnel pour un mémoire de la Société zoologique !).
Enfin, Maxime LAMOTTE a dans un ouvrage plus récent fait le point de ses conceptions et réflexions sur les mécanismes de l’évolution (LAMOTTE, 1994). Je n’en fais pas ici l’analyse, mais tiens à souligner quelques points. Une large place y est consacrée à la variabilité à l’intérieur de l’espèce, ce qui est dans la droite ligne de ses premiers travaux en génétique des populations. Il insiste aussi sur les phénomènes fortuits, ce qui n’est évidemment pas étonnant de la part de celui qui, en argumentant en faveur de leur implication dans la variation intraspécifique de Cepaea, avait soulevé la « grande controverse ». Son originalité à ce propos est de les intégrer dans un raisonnement dont les facteurs sélectifs sont un des piliers, ce qui se traduit en particulier par l’importance qu’il accorde aux effets de fondation. Il en distingue en fait trois. Par « effet de fondation de premier ordre » il désigne le fait qu’une population nouvellement fondée par un petit groupe de migrants (ou constituée par les rares survivants à une catastrophe) présente nécessairement une variabilité réduite, en tout cas s’écarte beaucoup, de façon aléatoire, de la moyenne de l’espèce. L’« effet de fondation de second ordre » résulte du déséquilibre interne de la structure génotypique d’une telle jeune population et consiste en l’équilibration ultérieure de la structure génotypique sous l’effet de la sélection. Jusqu’à ce point, le raisonnement ne s’écarte pas beaucoup de celui qui est à la base de la notion de révolution génétique due à MAYR (1954) ; il s’apparente aussi fortement à la conception de WRIGHT (1978) selon laquelle la sélection ne conduit pas la structure génotypique d’une population vers un optimum optimorum comme le laisserait croire une approche darwinienne par trop fruste et naïve, mais plus modestement vers un simple optimum local (dans l’espace des structures génotypiques possibles) dont divers événements, plus ou moins fortuits (migrations exceptionnelles, catastrophes écologiques par exemple) peuvent à tout moment l’écarter, la soumettant alors à un processus sélectif qui la conduit à nouveau vers un optimum local qui peut être différent du précédent. L’originalité de Maxime LAMOTTE est d’ajouter à ceci l’« effet de fondation de troisième ordre » qui prend en compte le fait que les circonstances responsables des effets de premier et second ordre ont nécessairement aussi des conséquences sur l’écosystème dans son ensemble (notamment sur sa composition spécifique, mais aussi sur les facteurs abiotiques) qui doit trouver un nouvel équilibre. On voit ici se manifester la richesse de la pensée de Maxime LAMOTTE qui aborde les problèmes de l’évolution à la fois en généticien et en écologiste, en homme de terrain et en théoricien.
Les élèves de Maxime LAMOTTE, et tout particulièrement les évolutionnistes (parmi lesquels je me range), ont tous bénéficié d’une façon ou d’une autre à être imprégnés de ce mode de pensée qui fait appréhender toute question sous de multiples facettes. Pour cet enseignement inestimable en particulier, nous pouvons lui adresser un grand merci.

Références

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